Dans mon cabinet de psychothérapie à Lyon, j’accueille régulièrement des personnes qui me consultent pour de l’anxiété, des crises d’angoisse, ou ce qu’elles décrivent comme des attaques de panique. Elles viennent souvent chercher un apaisement, une explication à ces sensations de suffocation, ces palpitations soudaines, cette impression de perdre pied face à des situations qui, en apparence, ne devraient pas être si effrayantes. Mais au fil de la thérapie, quelque chose de plus profond émerge souvent : ces crises d’angoisse révèlent une lutte intérieure bien plus vaste, une crise existentielle silencieuse qui ne trouve pas toujours les mots pour s’exprimer.
La première chose qu’on me dit, c’est : « Je ne comprends pas pourquoi j’ai ces crises d’angoisse. Tout va bien dans ma vie, alors pourquoi est-ce que je me sens comme ça ? » Ce qui est surprenant, c’est que ce « tout va bien » s’accompagne de ce malaise inexplicable, d’une anxiété constante, comme si quelque chose de plus grand échappait à leur compréhension. Ce que j’entends derrière ces mots, ce n’est pas seulement la peur de perdre le contrôle, mais souvent un sentiment d’étrangeté par rapport au monde, de se sentir insignifiant, noyé dans un univers où il semble impossible de trouver sa place.
Quand l’angoisse est le symptôme d’un mal-être plus profond
Il est rare que quelqu’un arrive en séance et me dise directement : « Je me sens petit face à l’univers » ou « J’ai peur de la mort. » Les gens parlent plutôt de leurs symptômes – les crises d’angoisse, les peurs soudaines, les phobies. Pourtant, derrière chaque crise se cache une question existentielle : Quel est le sens de tout cela ? Pourquoi suis-je ici ? Quelle est ma place dans ce monde ?
Parfois, au détour d’une phrase, j’entends : « Je me sens comme une poussière dans l’univers » ou « J’ai l’impression que tout ce que je fais ne sert à rien. » Ce sont là des indices d’une crise existentielle latente qui se manifeste sous forme de crises d’angoisse. Cette sensation de petitesse, d’insignifiance, de se voir confronté à l’immensité du monde, à la complexité de l’existence, finit par peser lourd, jusqu’à déclencher des attaques de panique.
Les mots de l’un de mes patients résonnent souvent : « Quand je suis seul, c’est comme si je ressentais le poids de tout l’univers sur mes épaules. J’ai du mal à respirer, et cette sensation d’étouffer vient de nulle part. » Derrière ce témoignage, ce n’est pas seulement l’angoisse qui s’exprime, mais une lutte pour trouver un sens, une explication à cet écrasement, ce besoin de se reconnecter à quelque chose de plus grand.
La crise existentielle et la thérapie existentielle d’Irvin Yalom
Irvin D. Yalom est un psychiatre, psychothérapeute et professeur émérite américain en psychiatrie à l’Université de Stanford. Connu pour ses contributions à la psychothérapie existentielle, il est l’auteur de nombreux ouvrages académiques et de romans psychologiques. Son approche thérapeutique met l’accent sur la confrontation des individus aux réalités fondamentales de la vie, telles que la mort, la liberté, l’isolement et l’absence de sens.
L’un de ses livres les plus célèbres, “Le Jardin d’Épicure : Méditations sur la peur de la mort”, explore comment l’angoisse existentielle influence nos vies. Dans cet ouvrage, Yalom montre que la peur de la mort est au cœur de nombreux troubles psychologiques et explique comment cette peur peut être abordée en thérapie. Il est aussi l’auteur de “Thérapie existentielle”, un ouvrage théorique dans lequel il expose les fondements de sa méthode, centrée sur l’accompagnement des patients dans la recherche de sens et la gestion de l’anxiété liée à la condition humaine.
C’est là que la thérapie existentielle de Yalom prend tout son sens. Ses travaux montrent que l’angoisse que l’on ressent dans nos moments de panique est bien plus qu’une peur immédiate – c’est la crainte sous-jacente de notre propre finitude, de la vacuité potentielle de la vie.
Dans une des séances de thérapie que j’ai conduite, une patiente a fini par s’effondrer en larmes après avoir longtemps essayé de rationaliser ses crises d’angoisse. « Je crois que j’ai peur de n’être personne », a-t-elle murmuré. « J’ai peur que ma vie n’ait pas de sens. » Ce moment de révélation montre à quel point l’angoisse peut être le symptôme d’un besoin de trouver sa place, de sentir que ce que l’on fait compte réellement.
Yalom décrit cela comme une « anxiété de la signification ». Le sentiment de ne pas avoir de contrôle sur la direction de sa vie, d’être un simple spectateur, provoque une angoisse plus profonde qui, à force d’être refoulée, finit par émerger à travers ces crises qui semblent surgir de nulle part. Pour beaucoup de personnes, les crises d’angoisse sont en réalité le signal que leur quête de sens a été mise de côté trop longtemps.
De la crise d’angoisse à la quête de sens
Ce que j’essaie d’expliquer à mes patients, c’est que cette angoisse, aussi violente et désagréable soit-elle, est souvent le signal d’une quête plus profonde. Elle montre qu’il est temps d’explorer ce qui compte vraiment pour eux. « Pourquoi suis-je ici ? Pourquoi me semble-t-il que ma vie m’échappe ? » Ce sont des questions que nous n’osons pas poser lorsque tout semble bien aller en surface. Mais lorsque l’angoisse surgit, c’est souvent pour nous forcer à nous arrêter, à faire face à ces interrogations que nous avons évitées.
J’ai accompagné des personnes qui avaient tout : une vie professionnelle réussie, une famille aimante, des amis. Et pourtant, elles étaient terrassées par l’angoisse. L’un d’eux m’a dit un jour : « Je devrais être heureux. Pourquoi est-ce que j’ai si peur ? » C’est parce qu’une partie de lui se sentait perdue dans cette réussite apparente, sans savoir quel sens donner à sa propre vie.
Ces patients qui se sentent « perdus » ou « décalés » viennent souvent chercher une solution rapide à leurs crises d’angoisse. Pourtant, à mesure que nous explorons leur ressenti, nous découvrons que c’est le sens de leur existence qu’ils remettent en question. Cette quête de sens est essentielle : elle éclaire pourquoi ils ont l’impression de vivre sans direction, pourquoi leur monde intérieur est en perpétuel conflit.
Retrouver un sens, apaiser l’angoisse
Faire face à cette quête de sens n’est pas une solution miracle pour l’angoisse, mais cela peut en changer la nature. Lorsque les personnes acceptent de regarder cette angoisse en face, elles commencent à percevoir qu’elle ne cherche pas à les détruire, mais à les guider vers une compréhension plus profonde d’elles-mêmes. L’angoisse devient alors une boussole, un indicateur qu’un changement est nécessaire, qu’il est temps d’explorer les recoins de leur vie qu’elles ont peut-être laissés dans l’ombre.
Au final, ces crises d’angoisse, où l’anxiété est à son paroxysme, sont souvent l’expression de cette quête existentielle non résolue. Alors, la prochaine fois que vous ressentez cette angoisse surgir de nulle part, que vous avez l’impression que votre cœur va exploser et que vous vous demandez pourquoi vous vous sentez ainsi alors que « tout va bien », posez-vous une autre question : Quel sens est-ce que j’essaie de trouver à travers cette angoisse ?
En explorant cette dimension, il est possible de transformer ce qui semble être une menace en une opportunité de croissance, et d’apaiser ces tempêtes intérieures en retrouvant un sens plus profond à votre vie.
À propos de l’auteur
Frédéric Makhlouf, praticien en psychothérapie, dédié à guider ceux qui souhaitent entamer un parcours de résilience. Mon approche bienveillante encourage chacun à explorer ses difficultés pour retrouver équilibre et vitalité. Prêt à franchir le premier pas? Je vous propose un appel d’écoute pour vous accompagner dans cette démarche.