Qui suis-je ? Souffrance mentale et identité
Dans notre monde moderne, le rythme effréné de la vie, les attentes sociales, et les responsabilités professionnelles et personnelles peuvent mener à un sentiment de désorientation, et pire encore à de la souffrance mentale : stress, anxiété, déprime ou état dépressif, angoisse, burn out. Certaines personnes viennent me consulter dans mon cabinet de psychothérapie parce qu’elles ont l’impression de ne plus savoir qui elles sont, de ne plus comprendre où est leur place dans ce monde.
À ce moment critique, une question fondamentale émerge souvent : « Qui suis-je ? »
En psychothérapie, explorer cette question est essentiel pour se retrouver et retrouver un équilibre en soi.
Cette question, bien que simple en apparence, renferme une complexité profonde.
Pour ma part, je la traduis par la notion d’identité.
Pourtant, cette notion est souvent associé à des troubles plus ou moins graves.
Aujourd’hui, vous avez entendu parler du trouble dissociatif de l’identité dans les différents réseaux sociaux, dans des blogs de psycho ou dans des articles de presse. Le Trouble dissociatif de l’identité (TDI) se caractérise par la présence de deux ou plusieurs identités ou états de personnalité distincts. Les individus peuvent éprouver des lacunes de mémoire concernant les événements quotidiens, des informations personnelles importantes, et/ou des événements traumatiques.
Vous entendez également de plus en plus parler du Trouble de l’identité de genre (maintenant appelé dysphorie de genre). Ce trouble concerne une incongruence marquée entre le genre vécu/expérimenté et le genre assigné à la naissance. Les personnes peuvent ressentir une détresse significative et une difficulté à fonctionner dans des aspects importants de leur vie.
A l’inverse, dans de nombreux cas moins graves, mais néanmoins sérieux et importants, les questions sur l’identité sont courantes et font partie du processus normal de développement personnel. Ces questionnements peuvent être liés à des périodes de transition ou de changement, comme l’adolescence, l’entrée dans la vie adulte, des changements de carrière, des départs à la retraite, ou des crises existentielles. Ces dernières peuvent parfois générer des souffrances mentales : stress, anxiété, angoisse, ou au-delà avec des épisodes dépressifs.
Parlons des facettes multiples qui composent l’algorithme complexe qu’est notre identité.
Pour ma part, je considère que l’identité a avant tout une dimension psychologique. Elle se réfère à notre compréhension de nous-mêmes en tant qu’individus uniques avec nos propres pensées, sentiments, et comportements. J’ajoute à la dimension psychologique la notion de personnalité. Elle est ainsi une composante fondamentale de notre identité. Elle est définie par des traits stables et persistants qui influencent comment nous pensons, ressentons, et agissons. Des théories comme le modèle des cinq grands traits de personnalité (ou Big Five) peuvent aider à comprendre cette dimension.
L’identité n’est pas une entité fixe ou monolithique. Elle est plutôt une tapisserie richement tissée de multiples fils, chacun représentant un aspect différent de soi.
Notre carrière et notre rôle dans le milieu professionnel influencent une grande partie de notre identité. Ce domaine inclut notre métier, nos compétences, notre éthique de travail, et notre sentiment d’accomplissement professionnel. Quand vous vous présentez dans un événement social, il vous arrive souvent de vous présenter en mettant en avant votre métier ou votre secteur d’activité.
Dans notre société contemporaine, des discussions autour de l’identité commencent parfois avec l’orientation sexuelle et l’identité de genre. Ces dimensions sont cruciales, mais elles ne sont qu’une partie du puzzle. Comme je le dis à certains de mes patients homosexuels, leur sexualité ne représente qu’une facette de leur identité, pas toute leur identité.
Nos origines ethniques et culturelles jouent un rôle majeur dans la formation de notre identité. Elles influencent notre vision du monde, nos traditions, nos valeurs, et nos comportements. Dans une société vulnérable économiquement, cette facette de l’identité fait souvent l’objet de conflits.
Que ce soit l’identité de genre ou d’origine, certaines personnes ou certains groupes se reconnaissent dans, ou se sont vus imposer, une identité de minorité. Cette identité peut être victimaire ou de combat. L’impact peut être lourd pour une personne qui vit un conflit interne avec des souffrances mentales. Elle souffre de porter en elle un conflit porté par une identité collective de minorité. Tous ces sujets arrivent indirectement dans mon cabinet par des individus qui se sentent perdus ou désorientés.
Continuons à explorer d’autres facettes de l’identité.
La famille, en tant que première source de socialisation, imprime une marque indélébile sur notre identité. Les dynamiques familiales, les rôles attribués et les attentes peuvent souvent définir une grande partie de qui nous sommes.
Pour beaucoup, la religion ou la spiritualité est un pilier central de leur identité. Elle peut offrir du sens, une communauté rassurante, et de but dans la vie.
Nos croyances et affiliations politiques peuvent aussi façonner notre identité. Elles reflètent nos valeurs fondamentales et notre vision de la société et du monde.
Même nos choix alimentaires peuvent faire partie de notre identité, qu’ils soient dictés par des convictions éthiques, des préférences culturelles, ou des préoccupations de santé. Aujourd’hui, bon nombre de personnes se définissent comme végans ou végétariennes. Ce choix peut s’avérer, être un choix identitaire et politique. Certaines mangent exclusivement halal ou casher. D’autres ne boivent pas d’alcool pour des raisons de santé ou des raisons religieuses. Il est essentiel de comprendre que ces différentes facettes de l’identité ne fonctionnent pas en vase clos. Elles sont interdépendantes et interconnectées. Par exemple, une personne peut trouver que ses choix alimentaires végétariens sont influencés par ses convictions religieuses ou éthiques, qui à leur tour sont enracinées dans sa culture d’origine. L’algorithme identitaire est riche et varié.
Quand la vie devient trop lourde à porter, il est naturel de perdre de vue ces différentes composantes de notre identité. L’épuisement physique et mental peut mener à une crise existentielle où les questions de sens et de direction deviennent centrales.
L’identité est un concept dynamique et multidimensionnel. En reconnaissant et en honorant cette complexité, nous pouvons aider les personnes à mieux se comprendre et à trouver leur place dans le monde. La psychothérapie offre un cadre précieux pour cette exploration, permettant à chacun de tisser sa propre tapisserie d’identité avec sens et intention.
En psychothérapie, notre objectif est d’offrir un espace sûr et neutre pour explorer ces différentes dimensions de l’identité. Cela implique d’écouter sans jugement, de poser des questions ouvertes, et de permettre à chaque individu de découvrir et de comprendre les multiples facettes de son être.
Voici quelques points de travail en psychothérapie pour répondre à la question fondamentale « Qui suis-je ? »
1. Redécouverte de Soi : La thérapie offre un espace sécurisé pour explorer et redéfinir les aspects de notre identité. En prenant le temps de réfléchir à « Qui suis-je ? », les individus peuvent reconnecter avec leurs valeurs et leurs passions authentiques.
2. Réduction de l’Anxiété : Comprendre et accepter notre identité peut réduire l’anxiété et le stress. Une identité stable sert de base solide sur laquelle nous pouvons construire notre résilience.
3. Orientation et Objectifs : Une meilleure compréhension de soi permet de fixer des objectifs plus alignés avec notre véritable nature et nos désirs profonds. Cela peut mener à une vie plus satisfaisante et épanouissante.
4. Résolution des Conflits Internes : Les conflits internes souvent proviennent d’une dissonance entre nos actions et notre identité. La psychothérapie peut aider à harmoniser ces aspects, menant à une plus grande cohérence interne.
5. Renforcement des Relations : Une identité bien définie peut améliorer nos relations interpersonnelles. En connaissant nos limites et nos besoins, nous pouvons communiquer plus efficacement et établir des relations plus saines et plus authentiques.
Voici les différentes stratégies possibles en psychothérapie :
1. Histoires de Vie : Encourager les patients à raconter leur histoire de vie peut aider à identifier les influences clés sur leur identité.
2. Analyse des Rôles : Explorer les différents rôles que joue une personne dans sa vie (parent, ami, professionnel) peut révéler comment ces rôles contribuent à son sentiment d’identité.
3. Exploration des Valeurs : Aider les patients à identifier et à réfléchir sur leurs valeurs fondamentales peut éclairer les divers aspects de leur identité.
L’exploration de l’identité en psychothérapie est une étape cruciale pour ceux qui se sentent épuisés et perdus. En redécouvrant « Qui suis-je ? », les individus peuvent retrouver du sens et de la paix intérieure. C’est un voyage essentiel vers une vie plus équilibrée et épanouie, permettant de mieux naviguer les défis de la vie quotidienne.
En prenant le temps de faire le point sur notre identité, nous nous donnons la chance de vivre en accord avec notre véritable essence, de trouver un sens plus profond et d’établir des bases solides pour un futur plus serein et rempli de possibilités.