Le burn out du dirigeant et de l’entrepreneur est une réalité souvent sous-estimée. Les dirigeants sont perçus comme des leaders invincibles, mais derrière cette image de force se cachent souvent de profondes souffrances émotionnelles et physiques. Contrairement à un salarié, un dirigeant n’a souvent pas la possibilité de « faire une pause » ou de s’éloigner facilement du travail. Cette pression constante peut entraîner un épuisement professionnel, un burn out, qui est pourtant évitable si l’on en prend conscience suffisamment tôt.
Dans cet article, nous allons explorer pourquoi le burn out des dirigeants est unique et les raisons pour lesquelles il est souvent plus difficile pour eux de s’accorder le repos nécessaire.
Attention ! L’idée de cet article n’est pas de minimiser ou de maximiser le burn out du salarié ou du dirigeant. Dans les deux cas, c’est une vraie souffrance profonde et un épuisement psychique qui remet en cause toute sa vie, qu’on soit un salarié ou un dirigeant. Mais, dans mon cabinet de psychothérapie, j’accueille souvent des dirigeants de TPE et de PME (mon expérience de coach de Manager et de dirigeants est précieux pour les comprendre, avec toutes leurs différences et leurs subtilités).
Je vais illustrer ce billet sur le burn out du dirigeant avec deux exemples fictifs : celui d’Émilie, entrepreneure dans le secteur du bien-être, et de Marc, PDG d’une PME technologique.

Burn out chez le dirigeant : une pression omniprésente

Le salarié peut, dans certains cas, poser des congés, déléguer certaines tâches, et même bénéficier de soutiens internes tels que des ressources humaines ou des managers pour soulager une partie de sa charge mentale. Ce n’est malheureusement pas toujours le cas pour un dirigeant ou un entrepreneur.
Pour un dirigeant, l’entreprise repose souvent directement sur ses épaules. Prendre une pause signifie souvent laisser les affaires sans direction, ou du moins sans la personne centrale qui prend les décisions stratégiques. Cette sensation d’irremplaçabilité crée une dynamique où le dirigeant se sent pris au piège : il ne peut ni continuer sur ce rythme, ni se permettre de s’arrêter. Cette situation est propice au développement d’un burn out.

Émilie : La passion qui devient un piège

Émilie, 39 ans, a créé sa propre entreprise de produits de bien-être il y a cinq ans. C’était son rêve depuis toujours de se lancer dans l’entrepreneuriat, et au début, tout se passait bien. Sa société a rapidement gagné en notoriété, et avec le succès est venue la croissance. Cependant, au fil du temps, Émilie a commencé à ressentir une pression croissante.
Elle s’occupait de tout : les relations avec les clients, le développement de nouveaux produits, la gestion des employés et les finances. Elle travaillait des heures interminables, tout en négligeant sa propre santé. Émilie se disait qu’elle n’avait pas le choix, que son entreprise dépendait d’elle, et que si elle ne gérait pas tout, tout s’effondrerait.
Cette conviction l’a menée à un épuisement progressif. Elle a commencé à perdre la motivation qui l’avait poussée à se lancer. Les week-ends, au lieu de se reposer, elle pensait à ses obligations professionnelles. Et un jour, le burn out s’est manifesté : fatigue extrême, crises de larmes sans raison, et une incapacité à se concentrer sur les tâches quotidiennes. Pour Émilie, ce burnout est venu briser sa passion initiale et l’a forcée à repenser sa manière de diriger.
Contrairement à un salarié qui pourrait simplement poser des congés, Émilie a dû trouver une solution pour déléguer certaines responsabilités, former ses employés à être plus autonomes et accepter que son entreprise continue à tourner sans son implication constante.

Marc : La responsabilité écrasante

Marc, 52 ans, est PDG d’une PME dans le secteur technologique. Depuis 20 ans, il dirige avec succès son entreprise qui compte aujourd’hui plus de 100 employés. Si ses premiers succès lui avaient procuré une grande fierté, ces dernières années, Marc se sent de plus en plus accablé par la pression.
Il sait que chaque décision qu’il prend affecte non seulement l’avenir de l’entreprise, mais aussi la sécurité financière de ses employés et de leurs familles. Cette responsabilité a fini par devenir un fardeau. Contrairement à un salarié qui peut compter sur ses managers pour prendre des décisions importantes en son absence, Marc se sent incapable de lâcher prise.
Il y a deux ans, il a commencé à ressentir les premiers signes d’épuisement : insomnie, irritabilité, et une fatigue constante. Malgré cela, il a continué à avancer sans écouter ces signaux, pensant qu’il devait « tenir bon ». Puis sont arrivées les crises d’angoisse, une perte de confiance en lui et un sentiment de déconnexion avec son travail.
Marc savait qu’il devait trouver une solution avant de s’effondrer complètement, mais il ne savait pas par où commencer. Comme beaucoup de dirigeants, l’idée de prendre du recul lui semblait impossible, car il se considérait comme l’élément indispensable de l’entreprise.

Différences entre le salarié et le dirigeant face au burn out

Le principal enjeu pour les dirigeants comme Émilie et Marc, c’est qu’ils se sentent souvent dans une situation sans issue. Pour un salarié, il est plus facile de prendre du recul : poser des congés, déléguer ses tâches, voire même s’absenter pour une période de repos ou de convalescence. Bien que ce ne soit pas simple, ces options sont au moins envisageables.
Le dirigeant, quant à lui, vit souvent dans une culture du « je dois tout gérer », et la responsabilité qu’il porte peut l’empêcher de s’accorder du temps pour lui. Le sentiment d’irremplaçabilité et la pression constante de maintenir l’entreprise à flot peuvent les amener à négliger leur propre bien-être.
Ma longue expérience de l’accompagnement des dirigeants m’a permis d’identifier des raisons spécifiques pour lesquelles le burn out du dirigeant peut persister plus longtemps que celui d’un salarié. Voici quelques éléments à prendre en compte :

1. Absence de véritables périodes de déconnexion

Les dirigeants, en particulier les entrepreneurs, ont rarement des périodes où ils se déconnectent complètement de leur activité. Même en vacances, beaucoup continuent à répondre à des e-mails, à prendre des décisions stratégiques ou à suivre la situation financière de leur entreprise. Cette « hyper-disponibilité » empêche le cerveau de passer en mode repos et de se régénérer complètement.

2.  Responsabilité constante

La responsabilité d’un dirigeant n’est pas seulement opérationnelle, elle est aussi morale. Il se sent souvent responsable de ses employés, des clients, et de la pérennité de son entreprise. Cette pression sous-jacente crée une vigilance permanente, ce qui empêche un véritable lâcher-prise. Contrairement à un salarié qui peut déléguer ou être remplacé temporairement, le dirigeant reste le « pilier » de l’organisation.

3. Énergie fluctuante et cycles d’épuisement

Le burn out du dirigeant peut se manifester par des phases où il se sent mieux (une nouvelle idée de projet, une période de calme dans l’entreprise) suivies de rechutes, car il n’a jamais réellement récupéré. Cette fluctuation d’énergie est typique, et le manque de récupération complète favorise des cycles d’épuisement plus longs et plus intenses.

4. Identification avec le travail

Les dirigeants, en particulier les fondateurs d’entreprise, ont souvent une forte identification avec leur rôle. Le travail devient une partie intégrante de leur identité, ce qui rend difficile la séparation entre le personnel et le professionnel. Le burn out touche donc plus profondément, car il s’attaque à ce que la personne est, et non seulement à ce qu’elle fait.

5. Surcompensation et incapacité à accepter la fatigue

Les dirigeants ressentent souvent un besoin de surcompenser lorsqu’ils se sentent épuisés, pensant qu’ils doivent donner l’exemple. Cette tendance à ignorer les signaux de fatigue aggrave le problème. Au lieu de s’arrêter pour récupérer, ils continuent à tirer sur leurs réserves, ce qui prolonge la durée du burn out.

6. Manque de soutien émotionnel et solitude

Le poste de dirigeant est souvent isolé, ce qui fait qu’ils ont peu d’espaces pour exprimer leurs doutes ou leur épuisement. Le fait de ne pas avoir de support social ou émotionnel rend la récupération encore plus lente. Les salariés peuvent se confier à leurs collègues ou supérieurs hiérarchiques, mais les dirigeants se sentent souvent seuls dans leur rôle.
Même si des salarié(e)s se sentent concernés par les spécificités précédentes, elles se retrouvent dans le cas de la majorité des dirigeants et des entrepreneurs.
En général, le burn out d’un dirigeant est souvent plus long et plus complexe à traiter, car les périodes de repos ne sont jamais pleinement effectives. Le manque de véritables coupures, la pression morale et la difficulté à lâcher-prise font que le burn out peut se chroniciser avec des phases d’amélioration temporaire, suivies de rechutes régulières.

Comment prévenir le burn out chez les dirigeants ?

Pour éviter d’en arriver au point de rupture, il est essentiel de mettre en place des stratégies spécifiques pour les dirigeants, comme :
1. Déléguer plus et mieux : Accepter que vous ne pouvez pas tout faire vous-même. Formez vos équipes à prendre des décisions de manière autonome pour alléger la pression sur vos épaules.
2. Créer des systèmes de soutien : Que ce soit avec des mentors, des coachs ou même des groupes de pairs, échanger avec d’autres dirigeants peut aider à briser l’isolement que ressentent beaucoup de chefs d’entreprise.
3. Prendre des pauses régulières : Même si cela semble difficile, il est crucial de s’imposer des moments de repos. Des pauses régulières permettent d’éviter de s’épuiser sur la durée.
4. Repenser ses priorités : Il est important de réévaluer régulièrement vos motivations et votre vision pour ne pas vous perdre dans la gestion quotidienne. Qu’est-ce qui compte vraiment pour vous dans votre entreprise ?
Le burn out du dirigeant est une problématique bien réelle et souvent minimisée. Émilie et Marc, comme beaucoup de dirigeants, ont traversé des phases d’épuisement qui auraient pu être évitées avec une meilleure prise de conscience de leurs limites. Contrairement à un salarié qui peut plus facilement prendre du recul, les dirigeants doivent apprendre à déléguer, à faire confiance à leurs équipes et à s’autoriser des moments de pause.
Si vous êtes dirigeant ou entrepreneur et que vous vous reconnaissez dans ces situations, il est essentiel de vous rappeler que prendre soin de vous est une priorité, non seulement pour vous, mais aussi pour la santé de votre entreprise.

 

À propos de l’auteur

Frédéric Makhlouf, praticien en psychothérapie, dédié à guider ceux qui souhaitent entamer un parcours de résilience. Mon approche bienveillante encourage chacun à explorer ses difficultés pour retrouver équilibre et vitalité. Prêt à franchir le premier pas? Je vous propose un appel d’écoute pour vous accompagner dans cette démarche.