Comprendre et surmonter la dysmorphophobie : un voyage vers l’acceptation de soi
Jean*, un homme de 35 ans, travaille comme ingénieur. Malgré un poids stable et un mode de vie sain, il se voit chaque jour dans le miroir comme étant trop gros. Tout a commencé par la réflexion d’un camarade de classe à l’école primaire. Ce dernier l’a traité de cachalot quand ils étaient à la piscine municipale. Il n’était pas gros mais avait sans doute la bonhommie des jeunes garçons à l’air poupin. Depuis, le poids de Jean est devenu une obsession. Il scrute constamment son ventre. Il est obsédé par le moindre kilo de trop. Il ne cesse de se contempler dans les miroirs et les reflets dans les vitrines ou dans les fenêtres. Le volume de son ventre est une obsession. A l’âge adulte, il continue à éviter les photos de groupe et les activités sociales qui pourraient mettre en lumière son apparence. Ses matinées commencent par une séance de sport intense, motivée non pas par le plaisir mais par une peur intense de prendre du poids. Il est obsédé par la qualité de son alimentation. Il contrôle tout ce qu’il mange. Quand il fait un excès lors d’un repas de famille ou avec des amis, il fait des crises obsessionnelles en fixant son ventre. Il se trouve obèse. C’est plus fort que lui.
Clara*, 28 ans, est une enseignante passionnée qui consacre son temps et son énergie à ses élèves. Cependant, derrière son sourire chaleureux et sa dévotion au travail se cache une lutte intérieure intense. Depuis son adolescence, Clara est convaincue que son nez est trop grand et déforme l’harmonie de son visage. Cette perception a évolué en une obsession, dictant ses pensées et ses actions quotidiennes. Le problème de Clara a commencé au lycée, lorsqu’un garçon, dont elle était amoureuse, a fait une remarque désobligeante sur son nez. Bien que cela ait semblé anodin à l’époque, cette remarque a planté une graine de doute dans l’esprit de Clara. Elle a commencé à se regarder plus attentivement dans le miroir, scrutant son nez sous tous les angles. Au fil des années, cette attention s’est transformée en une focalisation malsaine. Chaque matin, Clara passe des heures devant le miroir, essayant de camoufler ce qu’elle perçoit comme un défaut énorme. Elle maîtrise l’art du maquillage pour créer des illusions d’optique, espérant réduire l’apparence de son nez. Les selfies et les photos de groupe sont devenus un cauchemar, chaque image renforçant sa conviction qu’elle n’est pas « normale ».
Jean et Clara partagent une réalité douloureuse : leur perception déformée d’eux-mêmes. Chacun, dans sa solitude, espère un jour se voir tel qu’il est vraiment, et non à travers le prisme déformant de la dysmorphophobie.
La dysmorphophobie, ou trouble dysmorphique corporel (TDC), est une condition psychologique complexe où une personne devient obsédée par un ou plusieurs aspects de son apparence physique, les percevant comme des défauts graves même s’ils sont souvent inexistants ou très légers aux yeux des autres. Cette obsession peut conduire à une détresse émotionnelle significative et à des comportements compulsifs pour tenter de corriger ou de cacher les imperfections perçues. Dans ce billet, nous explorerons les symptômes et manifestations de la dysmorphophobie, et comment la psychothérapie peut aider à travailler sur les perceptions de soi, l’image corporelle et l’estime de soi.
Symptômes et Manifestations de la Dysmorphophobie
Les personnes souffrant de dysmorphophobie peuvent se reconnaître à travers plusieurs symptômes et comportements, tels que :
– Préoccupation excessive pour une ou plusieurs parties du corps.
– Comparaison constante avec les autres.
– Recherche fréquente de réassurance sur son apparence auprès des proches.
– Comportements répétitifs tels que se regarder souvent dans le miroir, se peser ou se mesurer.
– Évitement social ou situations où l’apparence peut être scrutée.
– Recherche de traitements cosmétiques ou chirurgicaux pour corriger les « défauts ».
Ces manifestations peuvent varier en intensité et en fréquence, mais elles impactent toujours la qualité de vie et le bien-être général de la personne concernée.
Le Travail en Psychothérapie
La psychothérapie est une voie essentielle pour aider les personnes atteintes de dysmorphophobie à reconstruire une relation saine avec leur image corporelle et à améliorer leur estime de soi. Voici quelques aspects clés de ce travail thérapeutique :
1. Raconter son histoire
La première étape en psychothérapie consiste souvent à raconter son histoire. En partageant les expériences passées, les émotions et les pensées liées à l’apparence, le thérapeute peut aider à identifier les déclencheurs et les facteurs contributifs au développement de la dysmorphophobie. Cette démarche permet de comprendre comment certaines expériences de vie, telles que les critiques sur l’apparence, le harcèlement ou les attentes culturelles, ont pu influencer la perception de soi.
2. Identifier et déconstruire les Croyances
Les personnes atteintes de dysmorphophobie entretiennent souvent des croyances erronées et négatives sur leur apparence. Il est possible de réaliser tout un travail cognitif (sur les pensées) et comportemental pour identifier ces croyances et les remplacer par des pensées plus réalistes et positives. Par exemple, transformer des pensées comme « Je suis laid(e) » en « Je suis unique et je mérite d’être accepté(e) tel(le) que je suis ».
3. Travailler sur la Perception de Soi
La thérapie peut inclure des exercices pour aider les patients à voir leur corps de manière plus objective et moins critique. Des techniques comme la thérapie par exposition peuvent être utilisées, où la personne est encouragée à s’exposer progressivement à ses craintes (par exemple, regarder son reflet dans le miroir sans jugement) pour diminuer l’anxiété associée.
4. Développer l’Estime de Soi
Construire une estime de soi solide est crucial. Cela passe par la reconnaissance de ses qualités et talents indépendamment de l’apparence physique. Les exercices de gratitude et la pratique de l’auto-compassion jouent un rôle vital dans ce processus. Encourager des activités valorisantes et des relations sociales positives aide également à renforcer l’estime de soi.
5. Explorer la Subjectivité de l’Image Corporelle
Il est important de comprendre que l’image corporelle est subjective et influencée par des facteurs internes et externes. La thérapie aide à explorer cette subjectivité et à différencier entre l’image de soi et la réalité objective. Apprendre à accepter cette subjectivité permet de réduire l’emprise des pensées négatives sur l’apparence.
La dysmorphophobie est un trouble difficile à vivre, mais avec l’aide d’une psychothérapie adaptée, il est possible de cheminer vers une acceptation de soi et une meilleure qualité de vie. En racontant son histoire, en déconstruisant les croyances erronées, en travaillant sur la perception de soi, et en développant l’estime de soi, les personnes peuvent apprendre à vivre sans la peur constante de leur image corporelle. Si vous ou quelqu’un que vous connaissez lutte avec ces symptômes, n’hésitez pas à chercher l’aide d’un professionnel qualifié.
Ensemble, nous pouvons transformer la perception de soi en une source de force plutôt qu’en une source de souffrance.
*Jean et Clara sont des personnages fictifs inspirés par mon expérience de l’accompagnement thérapeutique