Quand trop de mémoire provoque des souffrances mentales : l’oubli comme thérapie ?
Aujourd’hui, nous plongeons dans les profondeurs de notre esprit pour explorer les relations entre la mémoire, l’oubli et le concept freudien de refoulement. Ces trois éléments jouent des rôles clés dans notre santé mentale et notre développement personnel. Ce sont avant des clés du travail en psychothérapie – dont un des objectifs centraux est de nous libérer de notre passé pour vivre pleinement dans l’ici et maintenant – cette forme de présence intense dans l’instant présent.
La Mémoire peut parfois paraître comme un Trésor de Souvenirs. La mémoire nous permet de stocker et de revivre des expériences, façonnant ainsi notre identité et notre compréhension du monde. Elle est le reflet de nos moments heureux, mais aussi de nos défis, et de nos leçons apprises.
Pour un écrivain comme Proust, la mémoire est cruciale car elle permet de revivre des moments du passé et de raviver des émotions profondes. J’aime cet extrait de son célèbre roman, Du côté de chez Swann :
« Je portai à mes lèvres une cuillerée du thé où j’avais laissé s’amollir un morceau de madeleine. Mais à l’instant même où la gorgée mêlée des miettes du gâteau toucha mon palais, je tressaillis, attentif à ce qui se passait d’extraordinaire en moi. »
La Madeleine imbibée de thé déclenche chez Proust le pouvoir évocateur de la mémoire qui peut ramener instantanément des souvenirs enfouis.
Mais pour d’autres, la mémoire peut se révéler être une source de mal-être mental, notamment dans le cas des traumatismes.
Pour rappel : le traumatisme est une blessure physique ou psychologique résultant d’un événement perturbant ou choquant.
Quant à la mémoire traumatique, elle se réfère à la manière dont les individus se souviennent des événements traumatisants. Ces souvenirs peuvent être vifs, envahissants et déclencher des réactions émotionnelles intenses. La mémoire traumatique nous condamne souvent à répéter le scénario traumatique dans des situations inattendues.
En tant que psy, je perçois la mémoire traumatique comme une forme d’hyper mémoire dont il faut se délester pour alléger nos tensions et nos souffrances mentales. Cela me rappelle notamment une célèbre nouvelle de l’écrivain argentin, Jorge Luis Borges, Funes ou la mémoire.
En voici une citation marquante : « J’ai plus de mémoire que ne le voudrait mon propre moi. C’est comme si, chaque seconde, je multipliais la vie, comme si ma conscience était une chambre avec des miroirs. »
Cette nouvelle raconte l’histoire d’Ireneo Funes, un jeune homme qui, après une chute de cheval, développe une mémoire absolue. Funes se souvient de chaque détail de chaque instant de sa vie. Cette capacité est à la fois un don et une malédiction pour lui.
La citation précédemment évoquée reflète la manière dont Funes, le personnage principal de la nouvelle, perçoit sa mémoire écrasante et comment elle affecte sa vie quotidienne et sa perception du monde. À cause de sa mémoire parfaite, Funes est submergé par une quantité immense d’informations. Il ne peut plus distinguer l’important de l’insignifiant, et chaque souvenir est aussi vivant que le moment où il l’a vécu. Cette situation le rend presque incapable de fonctionner normalement dans la vie quotidienne.
La nouvelle explore les thèmes de la mémoire, de la perception du temps et de l’identité. Elle pose des questions sur la nature de l’humanité et sur ce que signifie vraiment se souvenir. Borges utilise l’histoire de Funes pour nous faire réfléchir sur la beauté et la complexité de la mémoire humaine.
Pour ma part, j’en tire la conclusion que l’oubli est parfois une nécessité psychologique.
L’oubli, souvent perçu négativement, a aussi ses vertus. Il nous permet de nous débarrasser des souvenirs douloureux ou superflus, nous offrant une forme de soulagement psychologique.
Quant à Proust, « L’oubli est un puissant instrument d’adaptation à la réalité parce qu’il détruit peu à peu en nous le passé survivant qui est en constante contradiction avec elle. » (A la recherche du temps perdu)
L’oubli peut également être vu comme un mécanisme d’auto-protecteur, voire de défense. Je pense notamment au refoulement.
Selon Freud, le refoulement est un processus inconscient par lequel les pensées, sentiments ou souvenirs inconfortables ou inacceptables sont poussés dans l’inconscient. Ces contenus refoulés peuvent ressurgir de manière indirecte à travers des rêves, des actes manqués ou des symptômes psychiques. C’est donc un mécanisme de défense.
Tout comme un excès de mémoire peut conduire à des ruminations, un excès de refoulement peut avoir des conséquences néfastes. Les souvenirs refoulés peuvent provoquer des troubles anxieux, des phobies ou des comportements compulsifs. Il est donc crucial de reconnaître et de traiter ces contenus refoulés pour préserver notre bien-être mental. C’est la mission d’un thérapeute d’aider son patient à équilibrer mémoire, oubli et refoulement.
La psychothérapie peut aider les individus à traiter leurs souvenirs traumatiques de manière à réduire leur impact émotionnel tout en permettant une meilleure compréhension et intégration de l’expérience. L’oubli peut parfois être thérapeutique car il permet à l’individu de fonctionner au quotidien sans être constamment envahi par des souvenirs douloureux.
Les psychothérapeutes utilisent souvent des techniques telles que la thérapie cognitivo-comportementale (TCC) ou l’EMDR (Eye Movement Desensitization and Reprocessing) ou l’Hypnose pour aider les patients à gérer les souvenirs traumatiques. En travaillant sur l’oubli, certains psychothérapeutes peuvent utiliser des méthodes telles que la répétition espacée, où le patient discute du souvenir traumatique à intervalles de temps réguliers pour atténuer son intensité émotionnelle et sa fréquence. Ils peuvent également encourager la distraction ou la reconsolidation de la mémoire, où de nouveaux souvenirs ou associations positives sont créés pour remplacer les associations négatives liées au traumatisme.
Trouver un équilibre entre mémoire traumatique et oubl est fondamental – car, ignorer complètement ou refouler ces souvenirs peut aussi avoir des conséquences néfastes à long terme.
Reconnaître et accepter nos souvenirs et émotions, qu’ils soient positifs ou négatifs, nous permet de vivre en harmonie avec nous-mêmes.
La mémoire, l’oubli et le refoulement sont des éléments complexes qui interagissent dans la construction de notre psyché. En comprenant leurs rôles respectifs et leurs interactions, nous pouvons mieux appréhender notre santé mentale et notre développement personnel.
Si vous souhaitez en parler, je vous invite à me contacter.