La relation patient/thérapeute en psychothérapie : l’histoire du transfert de Pauline

Aujourd’hui, je souhaite vous parler d’un concept fondamental de la relation patient/thérapeute en psychothérapie : le transfert.
Qu’est-ce qui se passe dans cette relation ? Comment le thérapeute se sert du transfert et du contre-transfert comme d’un levier pour aider son patient à comprendre ce qui se joue dans sa propre vie ? Pour illustrer ce concept, je vais vous raconter l’histoire de Pauline, l’une de mes patientes.
Pauline est très anxieuse et stressée. Son médecin lui avait diagnostiquée une dépression. Mais est venue me consulter au bout de trois mois après ce diagnostic de dépression pour travailler sur des difficultés relationnelles et une estime de soi fragile. Après des premières séances qui l’avaient aidé à retrouver un peu de calme et de sérénité, elle a montré une volonté forte d’obtenir des résultats rapides.
« Je sais que ça ne fait que quelques séances, mais, à part un peu plus de calme dans ma tête, je ne sens pas encore de vrai changement. Je suis venu vous voir pour avoir des résultats. Et je n’en vois pas.
– Pauline, il est tout à fait normal de ressentir de l’impatience, mais le processus thérapeutique nécessite du temps.
– A quoi sert un psy à part discuter ? J’ai des copines pour ça.
– Bonne question. Qu’est-ce que vous attendez d’un psy ? D’ailleurs, je vous invite à être plus précise s’il vous plaît. Qu’est-ce que vous attendez de moi ? »
 
Cette question a chamboulé, Pauline*. Elle se terre dans un silence qui laisse de la place à son questionnement et à sa réflexion.
Un patient peut attendre de son thérapeute qu’il offre un soutien, une écoute active, des techniques et des outils pour mieux comprendre ses émotions et ses comportements. Cependant, il est crucial de comprendre que le psy ne peut pas « sauver » le patient. Le patient doit s’engager activement dans le processus thérapeutique pour obtenir des résultats durables.
 
Pauline a une histoire compliquée avec son père durant son enfance et son adolescence. Chef d’entreprise, il était toujours en déplacement. Elle ne se sentait pas sécurisée par son absence. Elle a très tôt ressenti de l’anxiété et du stress. Quand il était à la maison, il se reposait et avait toujours une bonne raison de ne pas participer aux activités de la famille. Elle estime qu’il n’a jamais été là pour elle quand elle avait besoin de son affection et de son soutien. En revanche, il aimait représenter l’autorité.
 
« Chaque fois que j’avais de mauvaises notes sur mes bulletins scolaires, il me hurlait que je n’avais pas de bons résultats et me faisait la morale… avant de me priver de sorties. Je me sentais humiliée, dénigrée et tellement seule. Et quand j’étais triste, il ne me prenait jamais dans ses bras pour me consoler. 
– Est-ce que vous vous rappelez ce que vous avez dit au début de notre séance ?
– Je vous ai parlé de mes attentes de résultats.
– Pourquoi pensez-vous avoir parlé de résultats ?
– Parce que j’attendais que vous soyez le meilleur soutien possible pour moi ?
– Vous considérez que ce n’est pas le cas ?
– Si, vous êtes tellement à l’écoute et vous êtes bienveillant… mais c’est comme si j’étais en colère contre mon père et que je lui reprochais l’absence de bons résultats.
– Quels résultats ? S’il vous plaît, dites-moi ce que ce mot signifie pour vous.
– Ne plus souffrir du manque d’affection et de solitude…. Cesser de rencontrer des hommes qui lui ressemblent.
– Que font-ils pour lui ressembler ?
– Ils ne me donnent pas d’affection. Ils parlent peu. Je les vois peu car ils sont peu investis dans le couple. Ils sont égoïstes. »
 
Le transfert est un phénomène psychique où le patient projette sur le thérapeute des sentiments, des désirs ou des attentes qui appartiennent en réalité à des figures importantes de son passé, comme ses parents ou d’autres personnes significatives.
Dans cette histoire, le transfert se manifeste lorsque Pauline projette sur moi les sentiments, attentes et expériences qu’elle a eus avec son père. Elle espère que je la soutiendrais et la guérirais rapidement, comme elle aurait aimé que son père le fasse. Quand Pauline parle de « résultats » et exprime de l’impatience envers le processus thérapeutique, elle révèle des attentes similaires à celles qu’elle avait envers son père : attendre de lui une solution rapide et immédiate à ses problèmes, un soutien et une affection qu’elle n’a pas reçus dans son enfance. En questionnant Pauline sur pourquoi elle parle de « résultats », je l’aide à prendre conscience de son transfert. Elle réalise que sa colère et son impatience sont liées à ses blessures issues de sa relation avec son père. Elle associe l’absence d’affection paternelle à l’absence de « résultats » immédiats dans sa thérapie. Le but de travailler sur le transfert est d’aider Pauline à comprendre ces projections et à les dissocier de la réalité de la relation thérapeutique. En prenant conscience de ces dynamiques, elle peut progressivement les modifier et ainsi mieux comprendre et à mieux gérer ses relations actuelles.
Dans la relation patient/thérapeute, le transfert concerne le patient, tandis que le thérapeute s’appuie sur son contre-transfert.
Le contre-transfert désigne les réactions émotionnelles, pensées et comportements que le thérapeute peut ressentir envers le patient en réponse au transfert de ce dernier. Dans le cas de Pauline, mon contre-transfert m’aide à mieux comprendre mes propres réactions face à ses sentiments et comportements. Il est d’abord important pour moi de ne pas me sentir remis en cause dans mes compétences par la demande de résultats plus rapides de Pauline. Bien sûr, il serait humain de ressentir une certaine pression ou de la frustration face à l’impatience et aux attentes de Pauline. Mais ma prise de hauteur thérapeutique et mon expérience me permettent de ne pas répondre à ses attentes trop rapidement ou de vouloir résoudre ses problèmes encore plus rapidement pour la satisfaire. Mon éthique professionnelle et ma bienveillance me guident pour rester à l’écoute, à poser des questions ouvertes et à encourager la réflexion de Pauline plutôt que de lui fournir des solutions toutes faites.
Je l’invite à explorer ses propres sentiments et à prendre conscience des liens entre ses expériences passées et ses attentes actuelles.
Mon rôle consiste également à maintenir un espace sécurisé où Pauline peut exprimer ses émotions et ses préoccupations sans craindre d’être jugée. En restant neutre et en évitant de prendre personnellement ses injonctions à trouver des solutions rapides et à fournir des résultats, je l’aide à se sentir entendue et soutenue.
Le transfert est un phénomène complexe mais naturel en psychothérapie. Il offre un terrain fertile pour explorer et travailler sur les relations et les émotions du patient. Toutefois, il est essentiel de garder à l’esprit que le travail thérapeutique est une collaboration entre le patient et le thérapeute.
Pauline a finalement compris l’importance du temps et de l’investissement personnel dans le processus thérapeutique. Avec le temps et l’engagement, elle a pu faire des progrès significatifs dans sa vie.
Je vous invite à réfléchir à vos propres attentes envers un psy et à être patient avec vous-même dans votre parcours de résilience.
* Pauline est un  personnage fictif inspiré par mon expérience

À propos de l’auteur

Frédéric Makhlouf, praticien en psychothérapie, dédié à guider ceux qui souhaitent entamer un parcours de résilience. Mon approche bienveillante encourage chacun à explorer ses difficultés pour retrouver équilibre et vitalité. Prêt à franchir le premier pas? Je vous propose un appel d’écoute pour vous accompagner dans cette démarche.